Coqueluche : "On est dans une épidémie cyclique, une reprise douce et modéré qui ne suscite pas l’inquiétude"

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Avec une vingtaine de "clusters" en France depuis le début de l’année, contre deux en 2023, la coqueluche fait son retour en France. Pas seulement, souligne Fatima Aït El Belghiti, épidémiologiste à Santé publique France : le nombre de cas augmente aussi en Belgique, en Espagne, en Allemagne. La semaine européenne de la vaccination, qui s’achève ce dimanche 28 avril, rappelle que le vaccin "constitue le moyen de prévention le plus efficace pour se protéger contre de nombreuses maladies infectieuses".

Fatima Aït El Belghiti est épidémiologiste dans l’unité des maladies infectieuses à prévention vaccinale, en charge notamment de la coqueluche, à Santé publique France.

Fatima Aït El Belghiti est épidémiologiste à Santé publique France.
Fatima Aït El Belghiti est épidémiologiste à Santé publique France. DR

Pourquoi observe-t-on une recrudescence du nombre de cas de coqueluche ?

Il y a une recrudescence de la coqueluche en Europe, qui peut être inquiétante ou pas. Ce n’est pas le cas de la France. Il y a plusieurs explications.

D’abord, la coqueluche, qui n’est pas une maladie saisonnière, est une maladie cyclique. Tous les trois à cinq ans, il y a des pics, c’est normal, on ne s’inquiète pas, ça fait partie du bagage de la maladie. En vingt ans, on a observé 6 à 7 pics depuis le début de la surveillance de la pathologie débutée en 1996 par le réseau Reancoq. Ils sont d’ampleur différente, on peut avoir des pics à 160 cas, et d’autres à 500 cas. Le dernier pic que nous avons eu en France date de 2017-2018. On s’attendait à voir un nouveau pic en 2021-2022, il n’est pas arrivé : les confinements et la mise en place des mesures barrière avec le Covid ont fait que la coqueluche, une maladie extrêmement contagieuse (un cas provoque entre 15 et 17 malades), s’est complètement effacée des radars. On n’avait jamais eu aussi peu de cas de coqueluche en vingt ans de surveillance.

On est arrivé à aujourd’hui avec une dette immunitaire, faute d’avoir été exposé à des maladies, nos anticorps n’ont pas pu se renouveler, il n’y a pas eu de "mise à jour" de notre système immunitaire. Du coup, au contact de la bactérie, on développe plus facilement la maladie.

La seule question à laquelle nous ne pouvons pas répondre est l’ampleur du pic.

Où en est-on dans l’épidémie ?

En Europe, la situation a commencé à frémir à la fin de l’année 2023. En France, elle a commencé en janvier 2024, avec des premiers cas groupés remontés à Santé publique France dans 2 à 3 régions. Jusqu’ici, huit régions étaient touchées, une neuvième vient de m’être signalée. On ne sait pas jusqu’où ça va aller.

Neuf régions dont l’Occitanie ?

Oui.

"On n’est pas dans une situation qui suscite de l’inquiétude"

Pour combien de cas au total ?

On nous signale des cas groupés, c’est-à-dire des clusters, sachant qu’on parle de "cas groupés" à partir de deux cas.

À Santé publique France, on s’intéresse aux clusters en collectivité. Les remontées que nous avons eues depuis le début de l’année nous ont interpellé de par leur fréquence plus importante que d’habitude et le nombre de régions touchées en seulement un trimestre.

Tout savoir sur la vaccination.
Tout savoir sur la vaccination. SOPHIE WAUQUIER

En 2023, nous avons eu seulement deux clusters, en Ile de France, rapportés au dernier trimestre de l’année (octobre/décembre), avec environ 18 cas. Aujourd’hui, depuis janvier, nous comptons plus de 20 clusters. On a arrêté de compter les cas, mais je peux vous dire que quand nous avions recensé nos dix premiers clusters, on avait compté environ 70 cas, sachant qu’il n’est jamais possible de les comptabiliser tous (la coqueluche n’est pas une maladie à déclaration obligatoire). Ce qui nous intéresse, c’est de voir où ils se situent, c’est-à-dire quelles collectivités ils concernent et si des populations à risque de formes graves peuvent être touchées.

Il faut s’inquiéter ?

Ce n’est pas un facteur de gravité, et ce n’est pas étonnant.

La France entière va être concernée à court terme ?

Oui. Mais on n’est pas dans une situation qui suscite de l’inquiétude. On est dans une reprise modérée de l’épidémie, douce et progressive. C’est le signe que la couverture vaccinale en France est bonne, et que nous avons les effets positifs de l’obligation vaccinale de 2018.

Mais quand je me renseigne sur les cas qui me sont signalés dans les clusters familiaux, souvent, il apparaît que les enfants ou les parents ne sont pas à jour de leur vaccination. Normalement, le calendrier vaccinal, c’est une première dose à l’âge de deux mois, puis à 4 mois, et un rappel à 11 mois. Puis un rappel à 6 ans. À l’école primaire, il nous a été remonté parfois entre cinq et six cas dans une même classe de maternelle, chez des enfants qui ont cinq ans.

Pourquoi, le vaccin ne marche pas bien ?

Il est efficace, il n’empêche pas la maladie, il réduit les risques de formes graves, d’hospitalisation et de complications. La durée de protection est estimée entre 5 ans et 10 ans quand vous êtes vacciné, c’est fonction du système immunitaire de chacun. Si vous attrapez la maladie, ça peut aller jusqu’à 15 ans.

Mais le vaccin utilisé a changé. Il ne contient plus de bacille coquelucheux, il est acelllulaire, c’est-à-dire fabriqué à base d’antigènes immunisants. Les vaccins à germe entier étaient très efficaces mais avaient des effets indésirables. Le vaccin acellulaire a été introduit en France en 1998 pour les rappels puis a remplacé les vaccins coquelucheux entiers pour toutes les vaccinations en 2006.

"Le calendrier vaccinal a déjà été adapté en 2013"

Et ce vaccin est moins efficace ?

Il est tout aussi efficace mais la durée de protection est moins longue.

Ne faudrait-il pas faire des rappels plus tôt ?

Le calendrier vaccinal a déjà été adapté en 2013.

Quelles sont les conséquences de la coqueluche, on en meurt encore ?

Dans les années 50, la coqueluche était un fardeau hospitalier… l’OMS estimait qu’en 1950, pour une population mondiale de 2,5 milliards d’individus, 4 millions d’enfants de moins de cinq ans décédaient de la coqueluche contre 60 000 à 100 000 en 2020. Les premiers vaccins contre la coqueluche ont été développés en 1940 aux États-Unis, en France le premier vaccin a été introduit en 1959. Et en 1966, on a généralisé la vaccination contre la coqueluche en l’associant au vaccin trivalent diphtérie tétanos polio.

Nous surveillons les décès les décès chez les enfants de moins de 12 mois, les plus à risques. 90 % des décès qui nous remontent touchent des enfants de moins de deux mois, qui n’ont jamais été vaccinés. C’est rare. Entre 2016 et 2019, on a eu 4 décès chez des enfants de moins de dix jours.

"La toux banale devient quinteuse, c’est épuisant"

Mais hormis le tout petit, très exposé, quelles sont les séquelles de la coqueluche ?

On peut être malade pendant huit semaines, avec des quintes de toux soudaines, mal supportées chez les enfants de moins de trois mois parce qu’ils auront du mal à reprendre leur respiration. On peut arriver dans des cas extrêmes à des morts subites du nourrisson non vacciné.

Chez l’enfant, non vacciné aussi, la toux banale deviendra quinteuse, c’est violent, épuisant, avec des risques de surinfection pulmonaire, des vomissements…

Les formes seront plus légères chez l’enfant ou l’adulte vacciné, mais toujours avec de la fatigue.

Chez l’adulte, on est très vigilant sur la femme enceinte, les personnes asthmatiques, les immunodéprimés. Je rappelle que la vaccination est recommandée à la femme enceinte depuis avril 2022.

Les antibiotiques sont efficaces ?

Le traitement antibiotique ne va pas influencer l’évolution de la maladie mais va permettre le retour en collectivité. On ne sera plus contagieux après trois ou cinq jours de traitement, selon le macrolide utilisé.

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